Rencontre avec Jonk

À l'occasion de la sortie de Goodbye Lenin, nous avons posé quelques questions à son auteur, le photographe Jonk. 

 

Bonjour Jonk. Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

 

J’ai 35 ans et je vis à Paris. J’ai découvert la photo à 11 ans lors d’un échange linguistique aux États-Unis. Mon premier sujet photographique a donc été le voyage. J’en ai vite eu un deuxième : les arts urbains (street art, graffiti..), justement découverts lors d’un voyage. Ce sont mes recherches de graffitis inédits qui m’ont amené dans des lieux abandonnés, où les graffeurs vont souvent peindre pour être seuls, tranquilles, et prendre leur temps pour réaliser de plus grandes et plus belles peintures. Après quelques temps à fréquenter ces artistes, j’ai moi-même commencer à peindre dans ces lieux, d’où mon surnom «Jonk ». 

 

À visiter des lieux abandonnés à la recherche de graffitis, j’ai réalisé l’intensité des atmosphères et la beauté du spectacle du passage du temps : la rouille, les murs fissurés, la peinture qui s’écaille, les fenêtres cassées, la Nature qui reprend le dessus créent des scènes incroyables, d’une grande photogénie. Pour moi, tout cela est d’une infinie poésie. 

 

Avec le temps, mon intérêt s'est concentré sur ce qui lui est apparu le plus fort dans ce vaste sujet de l’abandon : ce que j’appelle les capsules temporelles, ces lieux où j’ai l’impression que le temps est figé depuis des années, des décennies, que seul le temps passé a eu un impact sur lui, sans intervention humaine.

 

Aujourd’hui, j’ai visité plus de mille-cinq-cents lieux abandonnés dans une cinquantaine de pays sur quatre continents. 

 

 

Base militaire, Biélorussie 

 

Qu’est-ce qui t’a motivé à t’intéresser aux anciennes républiques soviétiques ?

 

Enfant, j’ai fait un exposé sur la propagande par la manipulation de l’image en URSS. J’ai donc découvert la propagande soviétique et toute l’imagerie qui lui est associée et qui m’a passionné. Plus tard, en 2015, lors d’un voyage en Bulgarie pour photographier des lieux abandonnées, j’ai visité Buzludzha, l’ancienne maison-monument du parti communiste bulgare aujourd’hui abandonnée. J’y ai redécouvert cette imagerie fascinante avec les immenses portraits des leaders communistes en mosaïques sur les murs et surtout l’immense mosaïque au plafond avec l’emblème du marteau et de la faucille et le fameux slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ». Dès lors, je me suis mis à chercher d’autres lieux datant de l’URSS partout dans l’ancien bloc de l’Est.

 

Entre 2015 et 2019, j’ai réalisé 16 voyages dans les anciennes Républiques Socialistes Soviétiques en Europe de l’Est : Estonie, Lettonie, Lituanie, Biélorussie, Ukraine et Moldavie, et aussi dans ce que l’on appelait les pays « satellites » : l’Allemagne de l’Est, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie.

 

C’est une sélection des meilleures photos issues de ces voyages que je présente dans Goodbye Lenin.

 

 

 Hôpital, République tchèque

 

 

Comment organises-tu tes voyages photos ? Comment repères-tu les lieux abandonnés que tu photographies ?

 

 

Je fais énormément de recherches en amont du voyage. Je passe des heures voire des jours à chercher des lieux abandonnés sur internet. J’explore tous types de blogs de voyages, sites spécialisés, mais ma source principale est Google Maps. Je l’utilise en vue satellite, zoomée au maximum, et je scrolle toute la superficie habitée du pays. Ça prend un temps fou !

Une fois que j’en ai trouvés suffisamment, je les place sur une carte, je crée un itinéraire et c’est parti ! En allant d’un point à un autre, je garde toujours les yeux bien ouverts, car il est très fréquent que j’en trouve d’autres sur la route.

 

 Théâtre, Bulgarie

 

Y a-t-il des lieux qui t’ont particulièrement marqué parmi ceux présentés dans Goodbye Lenin ?

 

Oui plusieurs, beaucoup même. Ce thème des vestiges soviétiques est très marquant, car je suis souvent confronté à une imagerie très forte. Deux lieux sortent quand même du lot. Tchernobyl est pour moi La Mecque de cet univers soviétique abandonné, voire même de l’univers de l’exploration urbaine dans son ensemble. Le temps s’y est arrêté en 1986 en pleine époque de l’URSS. La zone d’exclusion actuelle est pleine de banderoles aux slogans communistes, de portrait de Lénine mais surtout on y sent encore la vie telle qu’elle était au temps des Soviets. J’y suis allé sept fois !

Je suis aussi obligé de parler de Pyramiden que je présente dans le livre. Ville fantôme soviétique perdu sur l’archipel du Svalbard à 1000 kilomètres du pôle Nord, l’expédition pour la photographier était mémorable. On y trouve encore aujourd’hui des empreintes de la vie soviétique à travers des gymnases, théâtre, école, et une magnifique statue de Lénine, la plus au Nord du monde !

  

 Usine, Moldavie

 

Quels sont tes prochains projets à venir ?

 

Je vais retourner en Géorgie où je suis déjà allé l’année dernière.

Sinon, mes deux prochains voyages sont l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Le but de ces voyages est bien sûr de photographier d’autres vestiges soviétiques. Après l’Europe de l’Est, je m’attaque au Caucase !

 

Retrouvez le travail de Jonk sur son site et sur Instagram.