Rencontre avec Elvire Bochaton

À l'occasion de la sortie de son Guide de survie juridique pour écrire et publier son livre, nous avons rencontré Elvire Bochaton. Elle nous en dit plus sur ce projet enthousiasmant. 

 

Elvire, peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

Bonjour, je m’appelle Elvire et je suis juriste en droit de la propriété intellectuelle (entre autres : droit d’auteur, droit des marques, droit des brevets, droit des dessins et modèles). Je suis aussi une personne qui a toujours eu une sensibilité artistique et je me suis intéressée depuis l’enfance à plusieurs domaines : la musique, le théâtre, l’histoire de l’art, la photographie, et l’écriture bien entendu. Issue d’un cursus littéraire au lycée, j’ai ensuite choisi d’entrer à la faculté de droit pour y étudier le droit de la propriété intellectuelle qui m’intéressait depuis longtemps. Un jour, une personne m’a dit que pour étudier la propriété littéraire et artistique, il fallait être un peu soi-même un artiste. Et je pense qu’il y a une partie de vrai là-dedans.

 

À la fin de mes études, j’ai exercé mon métier dans différents milieux : en cabinet, au sein de l’Institut national de la propriété industrielle en étant au contact de porteurs de projets divers, pour la télévision et la radio, au sein d’une école en tant qu’enseignante, mais aussi au sein de plusieurs maisons d’édition.

 

Dans l’exercice de mes fonctions, ce qui me motive le plus c’est d’être en relation avec des personnes d’horizons différents et de pouvoir les renseigner du point de vue juridique. Lorsque l’on pense « droit » et « juridique », on pense souvent à « contrainte », « difficulté à surmonter ». Je pense au contraire qu’il ne faut pas que le droit soit vu comme étant un obstacle à ses projets, mais comme un moyen d’y parvenir. Et dans cet objectif, j’ai vraiment à cœur de rendre le droit accessible et compréhensible de tous. Ce guide de survie juridique s’inscrit justement dans cet objectif.

 

 

Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire ce livre ?

 

J’ai souhaité partager mes connaissances avec les auteurs et avec les éditeurs.

 

J’ai autour de moi des personnes qui écrivent et qui me posaient des questions juridiques. Je les ai donc renseignées. En suivant des communautés d’auteurs sur les réseaux sociaux ainsi que dans le cadre de l’exercice de mon métier en maison d’édition, j’ai vu ces mêmes questions revenir. J’ai aussi parfois vu des personnes qui pensaient bien faire ou qui pensaient être suffisamment renseignées, mais qui malheureusement ne l’étaient pas toujours et qui partaient dans de mauvaises directions.

 

Je me suis alors aperçue qu’il n’y avait pas vraiment d’ouvrage de référence suffisamment accessible pour tout public vers lequel rediriger ces personnes. Il existe des ouvrages pour améliorer son style d’écriture, pour apprendre à autopublier son livre, mais pas sur les mécanismes juridiques entourant le processus d’écriture, de publication et de post-publication de son livre. Et s’il existe des ouvrages généraux traitant du droit d’auteur, ceux-ci s’adressent plutôt aux professionnels du droit ou aux étudiants en droit, mais ne sont pas assez synthétiques et accessibles aux non-juristes. C’est ainsi que ce guide de survie juridique est né, afin de donner les clefs et les bases juridiques à toutes les personnes qui écrivent et éditent des livres.

 

 

 

Quelle a été ta méthodologie de travail pour cet ouvrage ?

 

Ce guide a été conçu autour des 100 questions juridiques les plus posées par les auteurs et les éditeurs. La première étape a donc consisté à lister ces questions récurrentes. Si au départ je pensais plutôt écrire sur les cinquante questions les plus posées, je me suis rapidement aperçue que ce n’était pas suffisant et qu’il y en avait bien d’autres à traiter. J’ai donc arrêté le nombre à cent, même s’il a été difficile de se limiter pour ne pas faire un ouvrage trop volumineux et décourageant pour les lecteurs.

 

J’ai ensuite rédigé ce guide question par question en fonction de mon inspiration. La rédaction dans le désordre a permis de concevoir un guide qui peut se lire dans n’importe quel sens, en fonction de son interrogation du moment.

 

Quels sont d’après toi les trois conseils juridiques principaux à suivre lorsque l’on veut écrire un livre ?

 

Le droit régit notre vie entière. Les lois sont partout, dans tous les secteurs. Et lorsque l’on s’intéresse à un domaine en particulier et que l’on en est un des acteurs (auteur débutant comme confirmé, ou éditeur), je pense qu’il est essentiel de s’intéresser aux règles juridiques qui régissent ce domaine. Tout écrivain, tout éditeur s’est déjà posé des questions sur le droit d’auteur. Mon premier conseil est donc de se renseigner sur ces règles juridiques, non seulement pour faire respecter ses droits, mais aussi pour respecter ceux des autres. Cela vous permettra par exemple de comprendre ce qui est autorisé ou interdit au sein du contenu de votre livre (dans quelle mesure pouvez-vous faire des citations, pouvez-vous insérer des photographies ou parler de personnages célèbres). Cela vous permettra également de savoir s’il est nécessaire de déposer votre manuscrit avant sa publication, et si oui quelles sont les options qui s’offrent à vous.

 

Mais se renseigner, c’est aussi bien se renseigner. Auprès d’un professionnel de préférence. Certaines personnes se contentent parfois de lire des avis sur Internet, lesquels sont parfois rédigés par des personnes non spécialistes qui parlent de leur propre expérience alors que le droit peut varier en fonction des situations.

 

Mon deuxième conseil concerne les auteurs qui souhaitent être publiés en maison d’édition. Lors de l’arrivée d’une réponse positive : ne vous précipitez pas pour signer le contrat et lisez-le. Trop de personnes signent des contrats sans même savoir ce qu’ils racontent. Choisissez ainsi entre l’édition à compte d’auteur ou à compte d’éditeur en toute connaissance de cause, comprenez quels sont les enjeux de la cession de vos droits, posez des questions si nécessaire. Mais à l’inverse, ne tombez pas dans l’excès : pour qu’une relation éditeur-auteur fonctionne, il faut que chacun puisse y trouver son compte au sein du contrat. Un contrat d’édition protège aussi l’auteur et n’est pas qu’un jargon incompréhensible pour arranger l’éditeur.

 

 

Enfin, si vous envisagez l’autoédition, il faut que vous soyez conscients des conséquences juridiques et fiscales que cela implique (l’obligation de dépôt légal, les mentions obligatoires au sein du livre, le prix unique du livre, l’ouverture éventuelle d’une entreprise et les déclarations fiscales de vos revenus).

 

Ce guide de survie est donc là pour vous aider durant tout le processus d’écriture, de publication et de post-publication de votre livre. Il a été conçu de manière à devenir votre compagnon durant toute votre aventure, que vous soyez professionnel, amateur, débutant ou confirmé.

 

 

As-tu en mémoire une anecdote marquante en termes de droits d’auteur ?

 

Difficile de se limiter à une seule anecdote. Je dirais que le droit d’auteur est partout, parfois même là où on ne l’attend pas. Je citerais par exemple que les cours donnés à l’université et pris en notes par les étudiants sont soumis au droit d’auteur (ainsi, partager ses notes en ligne et les vendre est contraire au droit d’auteur des professeurs).

 

Et pour revenir à la littérature, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré fin 2019 que la revente de livres numériques d’occasion est interdite, car contrairement à un livre imprimé qui pourrait comporter des marques d’usures, le livre numérique d’occasion est intact. Il faut savoir que les auteurs et les éditeurs ne touchent pas de rémunération sur la revente des livres d’occasion. Donc, si aucune différence n’existe entre le livre numérique d’occasion et le livre numérique neuf, celui d’occasion concurrencerait le neuf au détriment de la rémunération des auteurs et éditeurs.

 

Enfin, je terminerai avec une dernière anecdote, toujours en matière de livres, mais concernant un titre et l’appropriation d’un terme. Dans les années quatre-vingt, un avocat a écrit un livre dont le titre était « l’avocature ». Cet homme indiquait qu’il était le créateur de ce terme et qu’il n’existait pas avant la parution de son livre. En 2018, une autre avocate a sorti le deuxième tome d’une trilogie de livres racontant la vie trépidante d’une jeune avocate vivant de nos jours. Ce deuxième tome comportait le mot « avocature » au sein de son titre. Une bataille judiciaire est donc née. L’avocat prétendant avoir un droit d’auteur sur le terme « avocature » et été débouté par le Tribunal au motif que c’était un terme courant, et que même s’il n’était plus utilisé au moment de la parution de son livre, ce terme était utilisé aux siècles précédents. Il ne pouvait donc prétendre avoir un droit d’auteur sur ce mot.

 

Le droit d’auteur est donc extrêmement intéressant et structure toute une société. C’est peut-être pour cela qu’il y a autant de personnes qui se passionnent lorsqu’une nouvelle loi en droit d’auteur naît.

 

Un dernier mot pour les personnes qui ne seraient pas encore convaincues d’acquérir ce guide ?

 

Le guide de survie juridique pour écrire et publier son livre a volontairement été conçu pour s’adresser au grand public et pour que le droit soit compréhensible de tous. Dans un esprit de meilleure compréhension, vous y trouverez une numérotation simple, question par question, et vous serez également guidé par des schémas et pictogrammes.

 

Vous y trouverez ainsi toutes vos réponses à vos questions en un seul et même endroit pour comprendre les notions de droit d’auteur liées à votre projet de livre, et j’espère que l’étude de ces questions vous passionnera tout autant que moi. Écrire et publier un livre est une grande aventure qui suppose de connaître ses droits pour éliminer toute source d’inquiétude et ne se soucier que de son art.