Valérie Belmokhtar, la force de l'engagement

Fidèle autrice des éditions Pyramyd, Valérie Belmokhtar signe en cette fin d'année un livre événement, engagé et plein d'espoir : L'artiste et le vivant. Elle en retrace pour nous la genèse et les perspectives. 

 

Bonjour Valérie. Déjà ton quatrième livre aux éditions Pyramyd… Comment vis-tu ce statut d’autrice maintenant bien acquis ? 

 

Bonjour et merci pour cette question.

Je suis honorée d’avoir déjà un quatrième livre publié aux éditions Pyramyd. J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé. Je n’aurai jamais imaginé il y a encore quelques années que je serais un jour autrice. Aujourd’hui, je commence à réaliser et à vivre ce statut comme faisant partie de mon identité tout comme la création visuelle. J’ai autant de plaisir à écrire qu’à dessiner.

Je remercie vivement les éditions Pyramyd d’avoir publié ces quatre livres me permettant de développer mon écriture avec des projets passionnants.

 

Pourquoi as-tu souhaité écrire un ouvrage sur les problématiques d’écologie et d’inclusivité dans l’art ? 

 

Je suis sensible à l’écologie depuis mon enfance et à l’inclusivité aussi. J’ai ressenti un besoin de m’engager davantage, après avoir lu des articles de lanceurs d’alerte, des livres sur l’écologie et après avoir vu des films et des documentaires sur le sujet. L’idée de ce livre a commencé à germer en 2018 car je me suis questionnée : « Et le monde de l’art ? Que faisons-nous pour préserver la planète ? Est-ce qu’il y a des artistes qui le font et comment ? Est-ce que les artistes peuvent avoir une influence sur la préservation du vivant ? …» Toutes ces questions ont commencé à émerger à ce moment-là.  Je me suis dit que ce serait intéressant d’écrire un livre. La pandémie qui a démarré en 2020 et les différentes crises que nous vivons depuis ont bien entendu confirmé pour moi la nécessité de ce type d’ouvrages et m’ont confortée dans ma volonté d’agir. Écrire c’est agir. Je ne pouvais pas rester les bras croisés et j’avais envie de m’investir dans un projet autour de ces thématiques.

 

D’autre part, écrire un tel ouvrage me permettait aussi de trouver des solutions concrètes car je m’étais déjà posé ces questions dans ma propre pratique artistique. Tout d’abord lorsque que j’étais étudiante car nous étions souvent amenés dans les écoles d’art à récupérer et à réemployer des matériaux pour créer. Par la suite, je me suis interrogée en tant que créatrice sur l’impact carbone de mon travail artistique et la manière de le réduire. Cela a été le début d’un déclic, je trouvais ce sujet intéressant, utile et porteur. On parle rarement du zéro déchet en art, comme si le monde de l’art en était exempté. J’ai donc imaginé le livre pour tenter de penser l’écologie dans la création visuelle avec le point de vue de quelqu’un qui crée et non pas un point de vue uniquement théorique. Je l’ai écrit en m’appuyant sur des exemples existants car ainsi c’est encore plus riche. Je suis persuadée que l’art et la créativité peuvent jouer un rôle dans l’amélioration de notre monde et dans le fait de préserver le vivant.

 

Pour l’inclusivité, je me suis toujours dit qu’il y avait un vrai problème de visibilité des artistes non occidentaux, des artistes femmes, et des artistes considérés comme hors des cadres dans les expositions que je visitais. Ces artistes sont souvent regroupés à part et pas très visibles alors qu’ils produisent des œuvres de qualité tout aussi importantes que ce qui est habituellement mis en avant dans l’histoire de l’art et dans les expositions en Occident. On ne peut pas parler d’écologie dans l’art sans aborder le fait de devoir être plus inclusif. Je me dis aussi que créer n’est pas seulement réservé aux artistes, que tout le monde peut créer. Dans certains pays non occidentaux, l’art et la création concernent tout le monde et pas seulement des artistes. Et d’ailleurs parfois on ne le nomme pas « art » tant il est ancré dans le quotidien des gens. Nous avons perdu ce sens de la création en Occident.

 

Ces réflexions personnelles m’ont conduit à imaginer ce livre, car finalement ces sujets étaient en moi depuis longtemps et ils sont liés. Face à l’urgence climatique et à la transformation nécessaire de notre monde, trouver des pistes concrètes et positives était une bonne motivation pour écrire ce livre.

 

Quelle a été ta méthode pour concevoir ce livre ? 

 

Tout d’abord j’ai fait des recherches. Je ne suis pas partie uniquement de ce que j’avais en tête et de mes connaissances mais j’ai aussi nourri ma réflexion par beaucoup de lectures de livres, d’articles, et par des visites d’expositions pour approfondir. J’ai aussi regardé des vidéos sur les artistes , sur les œuvres, ainsi que des documentaires sur l’écologie. Ensuite j’ai complété par la lecture d’essais sur l’écologie, et des livres sur l’économie et la mondialisation. Je me suis intéressée à ces thèmes « annexes » car je voulais écrire un livre qui ne fasse pas l’impasse sur une compréhension transversale du sujet.

Je voulais faire ressortir ce point de vue transversal et complexe où tout est lié.

Cette phase de recherches et de lectures a d’ailleurs duré aussi pendant toute la phase d’écriture du livre.

Construire un plan linéaire en premier lieu n’était pas naturel pour moi, d’autant que le sujet est vaste. Pour essayer de ne pas passer à côté des différentes dimensions importantes, j’ai commencé par écrire directement une trentaine de pages librement, à partir de mes notes et recherches qui se trouvent dans mes carnets. Ma méthode est intuitive, c’est comme cela que j’ai souvent fonctionné. Je laisse d’abord sortir dans l’écriture tout ce qui peut venir dans un premier jet spontané. C’est la même méthode quand je dessine d’ailleurs.

Ce premier jet était une sorte de résumé de tout ce que je voulais dire dans le livre et il contenait de quoi faire un plan structuré ensuite. Un plan que mon éditrice Christelle Doyelle a pu extraire avec un grand talent et dont nous avons discuté ensemble. C’est aussi une étape où on abandonne des idées, où on « élague ».

C’est un moment très intéressant de la conception du livre.  Je me suis régalée car ce travail d’équipe est très riche. L’aide et les interventions de Christelle Doyelle, éditrice, et de Céline Remechido, directrice éditoriale, ont été très importantes dans cette étape de conception du livre car cela lui a donné un cadre, une structure et des limites. Ensuite il ne restait plus qu’à l’écrire si je puis dire, une phase très riche et intense qui a duré pendant des mois, une sorte d’immersion complète dans le sujet avec beaucoup de recherches iconographiques. Une phase accompagnée du solide travail éditorial de Christelle tout au long de l’écriture ainsi que du formidable travail de création graphique de Philippe Brulin, qui donne un bel écrin au livre, lui permettant d’exister. Je tiens à préciser également que dans la conception du livre, il y a le travail essentiel de correction de Marie-Christine Raguin, la photogravure réalisée par Les Caméléons. Je précise aussi que l’œuvre de l’artiste Ed Pien illustre la couverture. Le livre a été éco-conçu avec un effort particulier pour utiliser des matériaux écologiques. La conception de ce livre c’est donc le travail de toute une équipe.

 

As-tu découvert des artistes au fil de l’écriture du livre ? As-tu eu des coups de cœur ? 

 

Les recherches que j’ai effectuées m’ont amenée effectivement à découvrir des artistes que je ne connaissais pas auparavant : Emmanuel Henninger, Santidio Pereira, Saype, Maëlle de Coux, Annie Busin, Jérémy Gobé, par exemple.

J’ai eu des coups de cœurs à la fois pour les œuvres d’artistes que je connaissais déjà mais aussi pour ceux que je ne connaissais pas. Par exemple, les œuvres d’Emmanuel Henninger, de Maëlle de Coux et d’Anne Bernasconi que je trouve très poétiques. J’ai aussi beaucoup aimé les démarches artistiques si variées de tous les artistes que j’ai découverts en écrivant le livre.

J’ai eu des coups de cœurs pour les gravures d’Alice Heit, les dessins de Delphine Vaute et les œuvres de Sophie Lécuyer dont je connaissais déjà le travail. Leurs créations me touchent.

Les œuvres de Kiki Smith ont toujours été également des coups de cœurs tout comme le travail de Beatriz Milhazes que j’adore.

Il y a un très grand nombre de mes coups de cœur dans le livre, j’ai pu d’ailleurs citer un certain nombre d’artistes dont j’ai vu les œuvres « en vrai » dans des expositions.

 

Quels sont tes projets en cours et à venir ? 

 

Je suis en phase de recherches pour différents projets d’écriture adulte et jeunesse, ainsi que des projets multimédia et des projets de création visuelle.

La gravure occupe une partie de mon temps de création, cette année je suis dans l’optique de me perfectionner sur des techniques que je connais moins bien afin de compléter mon savoir-faire dans le domaine de l’estampe.

J’ai également une galerie en ligne sur internet, sur Etsy, où je vends mes créations, ce qui demande un travail permanent, en constant développement.

Je crée aussi des illustrations régulièrement pour différents projets et clients.

J’expose ponctuellement mon travail artistique dans des galeries avec qui je collabore depuis plusieurs années. (Galerie Improbable Jardin à Lorient, Galerie nomade Nathalie Béreau, Galerie Maison d’art Japon)

Toutes ses activités se nourrissent les unes les autres.