Valérie Belmokhtar, le vivant au coeur

Dans son cinquième ouvrage aux éditions Pyramyd, Valérie Belmokhtar creuse la question du vivant et de la nature dans l'art. Elle nous parle de ce sujet crucial et des démarches artistiques associées. 

 

Bonjour Valérie. Cinq ouvrages aux éditions Pyramyd depuis moins de cinq ans… : quelle place l’écriture prend-elle dans ta vie quotidienne ces dernières années ? 


Bonjour ! Oui cinq livres en cinq ans à peine, c’est une grande joie ! L’écriture occupe une place importante dans mon quotidien. J’écris chaque jour, principalement pendant la semaine. Écrire tous les jours me permet de garder un fil conducteur. Je m’octroie des moments de pause entre chaque livre. Je fonctionne de la même façon pour créer mes gravures et dessins, j’ai besoin d’une grande régularité dans ma pratique artistique également et d’accorder une place importante et du temps à ces activités quotidiennement puis de faire des pauses entre les projets.

 

Comment accordes-tu ce statut d’autrice à tes autres casquettes ? 

 

Écrire et dessiner, cela fonctionne bien ensemble pour moi. Cela se fait naturellement avec des passages de l’un à l’autre. Ces activités se complètent. Il y a des correspondances entre mon travail d’écriture et mon travail artistique. Ces activités se nourrissent l’une l’autre. Il y a des porosités, des liaisons entre mes différentes activités. Je travaille de manière assez intuitive. Mon organisation reste souple.

 

Pourquoi parler aujourd’hui de la place du vivant dans l’art contemporain ? 

 

Il me paraît porteur de se pencher sur les visions que nous avons du monde vivant si nous voulons agir dans l’urgence climatique qui est la nôtre. Cela peut vraiment passer par l’art visuel, car certains artistes s’intéressent au vivant depuis des années voire des décennies, cela me paraît donc intéressant de montrer leurs œuvres autour de cette thématique dans un livre. Parler de leurs démarches peut nous faire réfléchir et nous montrer d’autres pistes qui n’existent pas dans d’autres domaines.

De plus la relation entre l’art et le vivant est un sujet que je trouve passionnant et plus je fais des recherches sur le sujet, plus cela me confirme aussi un lien profond avec mon propre travail artistique.
J’espère par ailleurs que ce livre pourra être inspirant et nous faire évoluer dans nos pratiques artistiques, pour avancer sur les questions écologiques qui concernent tous les domaines et donc l’art aussi.

 

Quelles démarches as-tu découvertes en préparant ce livre ? 

 

Certaines démarches sont collaboratives, comme par exemple celle de l’artiste Abigail Brown, qui aborde une approche interactive avec le vivant dans ses sculptures d’animaux qu’elle recouvre de spores de champignon. J’ai aussi découvert la démarche d’Astrid Polman, qui propose une approche hybride tant dans les médiums que dans les sujets, et qui considère la nature, le vivant comme co-créateur de son travail.

J’ai également découvert des démarches qui proposent une autre vision que celle que l'on a habituellement du monde vivant, comme par exemple celle du photographe Florent Lebon, qui aborde le végétal à travers l’énergie du vivant, les interactions du végétal avec lui-même et le fait qu’il considère la nature comme une matière qui vibre. Cette démarche m’a paru atypique et intéressante.

Il y aussi des démarches de co-création chez certains artistes qui associent des publics non-initiés à l’art, à la réalisation de leurs œuvres par exemple. Certaines démarches sont, elles, axées sur des interactions avec l’environnement ou sur le biomimétisme, sur l’écoconception. D’autres démarches mettent en avant un lien spirituel et poétique avec le vivant dans les œuvres. Il y en a encore davantage à découvrir dans le livre. Il y a une vraie « biodiversité » dans le monde artistique contemporain, c’est aussi ce que j’ai voulu montrer dans cet ouvrage.

 

Si tu devais nous faire découvrir trois artistes du livre, lesquels seraient-ils ?

 

Ce n’est pas une question facile, car je trouve sincèrement que tous les artistes présentés dans ce livre méritent qu’on s’intéresse à leur création et à leur démarche, ils sont tous différents et tous singuliers. Mais si je dois absolument vous en faire découvrir trois, alors je dirais spontanément : les dessins d’Emmanuel Henninger pour la force de son engagement et la modestie des moyens employés pour créer qui m’ont particulièrement touchée ; le travail de Raija Jokinen pour sa dimension poétique et les liens au vivant qu’elle propose à travers le corps humain ; et enfin les œuvres numériques d’Andrea Philippon qui tisse un lien entre monde physique et monde numérique. Cela m’a intéressée, car c’est une démarche assez rare et ses créations m’ont aussi attirée visuellement car elles sont vraiment en relation avec l’énergie du vivant.
Je profite de l’occasion pour remercier tous les artistes qui sont dans ce livre et qui nous ont fait confiance pour ce projet.

 

 

 

Photo © Florent Lafon