Designer culinaire, Magali Wehrung nous régale avec Les fondamentaux de la création culinaire. Au menu, de la culture, de la créativité et beaucoup de passion !
Bonjour Magali. Comment définis-tu ton activité de designer culinaire ?
Mon métier combine mes passions. Imaginer et fabriquer des objets ou des ambiances, manger et partager mes créations. Je concocte des événements culinaires sur-mesure qui mettent en scène des instants de repas. Je m’adapte en fonction du public et tente de leur faire vivre des expériences sensorielles tout en leur faisant redécouvrir des spécialités culinaires inscrites dans le patrimoine commun.
Quelles ont été les grandes étapes de la conception et de la réalisation de ce livre, pour toi ?
J’ai voulu partager dans cet ouvrage tout ce que ce qui me paraît intéressant à connaître de mon métier et mon expérience personnelle ; un peu de technique et de savoir-faire, quelques clefs pour constituer une méthode de travail solide, ainsi que beaucoup d’histoires culinaires qui nourrissent l’imaginaire et de mon point de vue stimulent la créativité.
J’ai commencé par établir une grosse carte mentale qui rassemblait tous les concepts qui me semblaient intéressants à évoquer en lien avec le design culinaire, et tous les projets personnels que j’avais déjà faits. En parallèle de cette carte, j’ai rassemblé toutes les images inspirantes collectées au fil des années dans mes livres de cuisine préférés, mes carnets de voyage, ou bien encore mon histoire personnelle, professionnelle et familiale. C’est exactement la méthode de travail expliquée dans le chapitre « processus créatif ».
J’ai d’abord établi un premier chemin de fer qui abordait les chapitres saison par saison, puis sur le conseil des éditrices, nous avons complètement chamboulé celui-ci, pour arriver au découpage en chapitres définitif qui propose une lecture davantage pédagogique de l’ouvrage.
Bien que le travail fût un peu plus long que prévu du fait de cette décision, il m’a réellement passionné et fut très bénéfique. En effet, mes recherches sur certains sujets évoqués dans le livre m’ont ouvert de nouvelles pistes créatives que j’ai directement appliquées à mes projets professionnels.
Quelles ont été tes sources principales pour compiler autant de références sur la culture culinaire du monde entier ?
Ma bibliothèque fut la principale ressource, bien que j’aie eu la chance de récolter certaines de mes références lors de mes propres voyages. Parmi les ouvrages de référence qui ont été les plus inspirants, je pense à l’encyclopédie La cuisine à travers le monde (collection TIME LIFE, 1971) ainsi qu’à Le diable sucré, magnifique ouvrage de l’ethnologue Christine d’Armengaud sur les traditions culinaires européennes autour des personnages ou créatures comestibles. Des ouvrages qui m’ont permis de voyager par la pensée.
J’ai sinon une grande passion pour les marchés ou les bazars, ces lieux aux quatre coins du monde où l’on retrouve à la fois les spécialités et produits locaux, ainsi que les objets du quotidien en lien avec l’univers domestique et souvent culinaire. Quelle que soit la région que je visite, je me délecte en repérant les objets de la culture populaire : une théière à double étage en Turquie, une presse à tortilla au Mexique ou encore un blender manuel au Brésil. Je fonce également dans tous les musées d’Art populaire qui répertorient et décortiquent ces mêmes objets, les gestes et parfois les saveurs associées reflétant les mentalités des différentes sociétés.
À qui s’adresse ton ouvrage, d’après toi ?
Aux étudiants en art et en cuisine qui cherchent à comprendre le métier du designer culinaire, et à bâtir de nouveaux projets. Également à tous ceux qui aiment se nourrir autant par le goût que par l’esprit, aux explorateurs et curieux de toutes sortes.
Qu’est-ce que le design culinaire peut apporter au monde de la cuisine d’aujourd’hui ?
Bien plus que la recherche d’une esthétique particulière, le design culinaire tel que je le conçois poursuit une intention de dynamique humaine. La théâtralisation du rituel du repas active ou renforce la conscience du lien social, et le langage symbolique de la nourriture permet l’écriture d’une histoire commune. C’est un ressort essentiel du vouloir-vivre ensemble en ces temps de perte de repères, à l’échelle de la société toute entière, ou plus simplement à l’échelle des entreprises humaines…