Valérie Belmokhtar : l'amour de l'illustration jeunesse

Après la publication de son troisième ouvrage aux éditions Pyramyd, Valérie Belmokhtar nous rend une petite visite pour nous parler d'une de ses passions : l'illustration jeunesse. 

 

Pourquoi as-tu eu envie d’écrire un ouvrage sur l’illustration jeunesse ?

Tout d’abord, j’ai ressenti l’envie de partager mes connaissances avec les lecteurs. Ces connaissances sont issues de mon expérience d’illustratrice, d’enseignante en illustration jeunesse, et de mère qui lit des ouvrages jeunesse à ses enfants, mais aussi d’artiste inspirée par les livres. En tant qu’adulte, j’achète et collectionne des livres jeunesse, à mes yeux certains de ces livres sont de vraies œuvres d’art. 


J’ai également voulu montrer le métier, en quoi il consiste, car c’est un métier finalement peu connu du grand public pour ce qui est des coulisses. Il m’a semblé aussi essentiel de défendre cette profession, de la valoriser. Les livres pour enfants sont vecteurs de transmission, d’éducation, de plaisir et de connaissances. C’est une sacrée responsabilité qu’ont les auteurs-illustrateurs et éditeurs, surtout dans le monde et le contexte actuels. Certains enfants n’ont accès à l’art, à la littérature et à la poésie qu’à travers ces livres qu’ils liront à l’école ou en bibliothèque. C’est un formidable moyen de voyager et d’apprendre, la lecture.
Le métier n’est pas bien rémunéré ni forcément pris au sérieux. Or, c’est un vrai métier comme le dit le titre de notre ouvrage. Je voulais défendre cela, car à mes yeux c’est un métier important et qui joue un rôle dans l’éducation et l’ouverture au monde pour les enfants.

Je trouvais aussi qu’il y avait très peu de livres en France qui expliquait le métier vu de l’intérieur et que cela m’avait manqué quand j’étais moi même étudiante. J’ai donc écrit le livre que j’aurais adoré lire pendant mes études! Il m’a semblé que cela pouvait être utile à des personnes qui voulaient se lancer dans le métier ou pour compléter des connaissances en étant étudiant par exemple.

 

Quel est ton rapport avec ce secteur ?

 

C’est un rapport à la fois professionnel, affectif et artistique !
Le monde de l’illustration jeunesse m’a toujours intéressée et influencée artistiquement parlant, même avant d’avoir des enfants. J’adorais les contes quand j’étais petite et adolescente. Je lisais beaucoup. J’ai même un jour écrit une lettre à l’éditeur Gallimard jeunesse quand j’avais 11 ans environ, car j’adorais leurs livres et magazines. Ils m’ont répondu en proposant une visite sur place ! Cette visite m’a profondément marquée. C’est une époque où je fabriquais mes propres livres et journaux, j’avais une petite presse en plastique, j’illustrais mes publications, j’adorais faire ça.
Étudiante, j’ai été très imprégnée d’illustration jeunesse, que je regardais régulièrement comme un art à part entière, ça a toujours été une source d’inspiration.
Dans l’atelier de sérigraphie aux Beaux-Arts, je fabriquais mes propres livres qui racontaient des histoires, exactement comme quand j’étais enfant. Mes tableaux et mes productions artistiques ressemblaient beaucoup à de l’illustration jeunesse dès le début de mes études artistiques. Tout cela faisait partie de mon univers. Mes professeurs m’ont encouragée à garder cette part d’enfance et d’illustration dans mon travail. J’étais pourtant à contre-courant, car aux Beaux-Arts on était à un moment où beaucoup d’artistes faisaient des vidéos et des installations, j’avais choisi des médiums d’expression qui n’étaient pas du tout majoritaires dans l’école, on était très peu à s’intéresser à l’illustration comme un art.

 

J’ai eu la chance de publier, quelques années après ma sortie de l’école des Beaux-Arts de Paris, en édition jeunesse en tant qu’illustratrice. J’ai pu travailler avec les éditions Mango sur un ouvrage où j’ai eu carte blanche pour les illustrations, à partir de collages que l’éditrice avait vu dans mon book, une grande chance quand on sait qu’il est difficile de publier un album en étant débutant dans ce milieu. J’ai eu un plaisir fou à faire les illustrations et l’ouvrage a reçu un prix.
J’ai aussi eu la grande joie d’illustrer des couvertures de romans jeunesse pour les éditions Syros, j’ai également travaillé avec Nathan et d’autres éditeurs.
Un long projet aux États-Unis avec une maison d’édition d’ouvrages pédagogiques m’a beaucoup appris sur le métier et l’édition jeunesse dans un autre pays que le nôtre. J’ai régulièrement des collaborations avec la presse, récemment avec le magazine La Petite Fabrique, un magazine famille novateur, pour qui j’ai écrit des activités et réalisé des illustrations.

Je vois régulièrement des projets jeunesse d’étudiants illustrateurs à qui je donne des conseils chaque semaine et je travaille donc aussi régulièrement avec ce secteur en free-lance.

J’ai des amis illustrateurs et illustratrices. On parle régulièrement de nos projets, c’est très intéressant de baigner dans cet univers. J’ai aussi la chance de connaître quelques éditeurs et directeurs artistiques depuis plusieurs années et d’avoir des échanges riches avec eux.

 

 

As-tu des artistes ou des livres favoris dans le domaine ?

 

Oui, il y en a tellement! J’adore le travail de Beatrice Alemagna et d’Anne Herbauts par exemple, leurs illustrations et leur démarche artistique me touchent beaucoup. J’aime aussi les illustrations de Benjamin Chaud ou les livres de Claude Ponti, que j’ai lus à mes deux enfants et qui sont source de tellement de plaisir partagé. J’aime le travail de Vanessa Hié et de Charlotte Gastaut, qui nous ont fait l’honneur d’une interview pour le livre, et dont les illustrations m’ont toujours fait rêver. J’aime les illustrations oniriques et poétiques. Enfant, j’adorais les illustrations des pays de l’Est et les livres de contes, mais aussi les romans comme Fantômette ou les bandes dessinées comme Tintin, je faisais feu de tout bois, je lisais tout ce que je pouvais.

 

Quels premiers conseils donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait se former à l’illustration jeunesse ?

Je dirais qu’il faut essayer de ne pas mettre la charrue avant les boeufs et de ne pas négliger le niveau de dessin nécessaire et l’expression plastique personnelle, avant de pouvoir réaliser à proprement parler des illustrations jeunesse professionnelles, même si elles ont un style plus naïf ou qu'elles s’adressent aux tout-petits. C’est un vrai métier, et il faut des bases solides en dessin. On peut développer une écriture atypique ou un style intéressant dans ce domaine, mais des bases sont nécessaires.

Un autre conseil serait de développer son propre univers.Il faut une vraie singularité pour se démarquer et donc cela passe par un apprentissage d’expression plastique qui nous soit propre et unique. Explorer sa propre façon de représenter le monde permet de gagner du temps pour ensuite le proposer dans ce secteur.

 

Quel est d’après toi le plus grand défi à relever lorsque l’on est illustrateur jeunesse ?

 

Il y en a plusieurs :

 

C’est un métier complexe et exigeant. Les illustrateurs travaillent beaucoup, le rythme de travail est intense. Il faut en être capable, c’est un défi en soi.
Ensuite, il y a aussi le défi de trouver régulièrement du travail dans un secteur qui est très attractif et dans lequel de plus en plus de monde veut travailler. Cela consiste donc à trouver sa place et y rester. D’autant plus que l’on sait aussi très bien que c’est un métier peu rémunérateur, donc il faut concilier sa passion avec le fait que l’on fera aussi sûrement dans la plupart des cas autre chose à côté pour vivre.
En vivre complètement est possible, mais c’est un équilibre difficile à trouver.
Une fois que l'on y est, il faut arriver à se renouveler, à évoluer sans changer complètement son style et ce qui fait sa singularité pour garder des commandes régulières.
Il faut garder le plaisir de créer, c’est à mes yeux le plus important dans les défis qu’il faut relever dans ce métier.


C’est tout un art en somme !

 

Photo © Florent Lafon