À l'occasion de la parution d'Écouter, Bobette Buster nous parle de son rapport à ce « sixième sens » qui se trouve au coeur de notre vie quotidienne.
Bonjour Bobette, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous et sur votre parcours ?
Je suis l’autrice et la productrice du documentaire Making Waves: The Art of Cinematic Sound, qui a été primé en 2019 au festival de Cannes, au Tribeca Film Festival, au BFI London Film Festival et dans d’autres festivals internationaux. Notre documentaire célèbre le pouvoir du son dans le storytelling cinématographique, ainsi que la nouvelle forme artistique née de réalisateurs visionnaires, comme George Lucas, Steven Spielberg, Ang Lee, Barbara Streisand et Ryan Coogler entre autres, et de leurs talentueux designers sonores.
Nous révélons aussi l’influence de la musique concrète, de John Cage et des Beatles dans leurs expérimentations de « l’écoute radicale ». Notre objectif était de pousser les spectateurs à écouter les films, ainsi que notre monde actuel, d’une nouvelle oreille.
Je suis aussi professeure de narration numérique à la Northeastern University de Boston, où j’enseigne notamment l’art du storytelling. En 1992, j’ai créé le premier programme de maîtrise en Beaux-Arts en réalisation de longs-métrages, à l’université de Californie du Sud – un cours que j’ai adapté et enseigné pendant 11 ans un peu partout dans le monde. J’ai aussi été invitée aux Studios Pixar, Disney Animation, Disney Channel, Sony Animation et j’ai donné des conférences à la BBC, chez Google, WaterAix, et dans de nombreux festivals internationaux.
Mon livre Écouter est aujourd’hui traduit en de nombreuses langues.
Quels sont les différents sujets abordés dans cet ouvrage ?
Tout d’abord, je voulais rappeler aux lecteurs le pouvoir presque oublié de ce que nous pratiquons pourtant à chaque instant : ce « sixième sens » qui redessine activement les contours de nos vies quotidiennes.
Je me suis toujours demandé pourquoi, lorsque nous parlons d’« écouter », nous sommes soit profondément impressionnés que quelqu’un soit présent pour nous, soit incroyablement irrités d’être emprisonnés dans le discours d’un autre. Aujourd’hui, nous présentons des troubles de déficit de l’attention, et nous sommes capables de mettre précipitamment fin à une conversation comme si nous appuyions sur le bouton « off » d’une télécommande. Après quoi, nous nous demandons pour quelles raisons nous ne sommes plus connectés les uns aux autres, et comment est-ce possible que les trolls prospèrent sur les réseaux sociaux. Pas étonnant que nous ne nous comprenions plus… Comment, dans ce contexte, recréer une base commune ? Comme nous rapprocher, nous réunir ? Et bien, pour ce faire, nous devons commencer par simplement être présents, et cela débute par l’écoute. Un choix simple. Mais un choix profond, car c’est à chaque instant que nous devons activement choisir de nous synchroniser avec notre environnement.
D’après vous, à qui cet ouvrage s’adresse-t-il ?
Aux lecteurs souhaitant trouver une alternative aux « conversations » à sens unique du monde actuel. Je pense réellement que nous aspirons tous à créer une nouvelle base commune, et à vivre ensemble en harmonie. Pour parler plus franchement, je pense que nous souhaitons tous que l’on nous réapprenne à interagir entre nous avec bienveillance. Nous devons développer de nouvelles manières de communiquer, concevoir de nouvelles stratégies pour générer une bonne entente.
Mon livre relate plusieurs histoires, qui sont toutes des sonnettes d’alarme quant aux risques que nous courrons si nous ne changeons rien, mais qui toutes proposent de nouvelles stratégies pour nous aider à construire un monde plus bienveillant.
Où avez-vous appris les nombreux conseils dispensés au lecteur pour le guider vers une écoute consciente et active ?
J’ai consacré toute ma carrière à écouter des auteurs, réalisateurs, étudiants et professionnels qui cherchaient à raconter leur histoire de la bonne manière. J’ai observé que le fait d’écouter générait du lien et de l’empathie. Cependant, cela ne peut être fait qu’avec une attention totale – et en le faisant, vous vous enrichissez. Lorsque j’ai commencé à écouter activement, je n’en croyais pas mes yeux (ni mes oreilles, ni mon cœur) de découvrir à quel point le monde peut être vivant et éclatant lorsque nous nous ouvrons à lui. Nous ralentissons, nos perceptions s’amplifient. L’écoute est un sens complet, qui élargit notre bien-être.
Aujourd’hui, il me semble que nous sommes sur le point d’oublier son pouvoir, et je pense qu'il est vital de choisir consciemment de sortir de nos zones de confort, de changer nos habitudes et de commencer à écouter le point de vue des autres. C’est ainsi, et seulement ainsi, que des compromis positifs pourront avoir lieu. Notre futur doit être basé sur l’écoute. Sans quoi, nous allons sombrer dans le tribalisme, la méfiance et l’ignorance.
De quelles façons pratiquez-vous l’écoute active dans votre vie quotidienne ?
Je prends toujours le temps d’écouter le jour – le son des oiseaux et de la nature où que je me trouve, ou l’ambiance sonore de la ville. Chaque lieu dans lequel je me rends est à la fois différent et intriguant – de la même façon que les couchers de soleil sont similaires, et pourtant totalement uniques. J’ai appris à m’ouvrir aux autres : c’est devenu une habitude pour moi. J’ai aussi appris que le monde était bien plus intéressant et vivant si nous nous arrêtons, nous regardons et nous écoutons (des conseils souvent répétés aux enfants… pour leur apprendre à traverser la route !).
Aujourd’hui, c’est une habitude que j’ai pleinement adoptée – tout comme s’exercer ou méditer : vivre connectée à ceux que j’aime. Lorsque je donne mes cours de storytelling, les gens s’exclament « Bobette sait réellement écouter ! » Je considérais cela comme acquis, mais mon éditeur en a entendu parler, et m’a demandé si je pouvais écrire ce livre. Voilà comment j’en suis arrivée là.
Quels sont vos prochains projets ?
Je vais poursuivre mes projets de réalisation de films, et écrire un mémoire historique basé sur un projet d’histoire orale que j’ai mené dans les années 1980, dans la lointaine vallée de la rivière du Kentucky d’où vient ma famille.
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