L'amour des livres #10 : Marianne Lassandro

C'est avec un grand plaisir que nous recevons aujourd'hui Marianne, agent d'éditeur. C'est grâce à elle que certains ouvrages Pyramyd vivent une carrière internationale ! 
Elle nous en dit un peu plus sur son amour des livres... 

 

Peux-tu en quelques mots te présenter et expliquer ton parcours professionnel ?

Je m’appelle Marianne Lassandro, je suis agent d’éditeurs, dans le domaine du livre d’art et de photographie. Mon rôle est de défendre les titres des éditeurs qui font appel à moi et de leur permettre de trouver d’autres éditeurs à l’étranger qui ont envie de traduire et de publier leurs livres dans leur propre pays.

Je suis d’origine italienne, j’ai passé mon enfance en France, mais dès mon plus jeune âge j’ai beaucoup voyagé en Europe avec mes parents, car la famille de mon père était disséminée un peu partout – mon esprit a toujours vagabondé loin des lieux où j’habite et ça ne m’a pas quitté.

À ma sortie de la fac, j’ai eu la chance de démarrer mon parcours professionnel dans une petite maison d’édition de beaux-livres qui venait de se créer – nous étions 10, c’était le bon temps ! J’y ai pris en charge l’activité des ventes de droits étrangers. J’ai passé presque vingt-cinq ans dans cette maison qui est devenue un des plus grands groupes éditoriaux français, avant de connaître des temps plus maussades dernièrement.

Cela m’a permis de rencontrer des auteurs passionnés, des éditeurs doués, sensibles et attachants, mais aussi malhonnêtes et roublards, de comprendre combien nous pouvons être différents d’une culture à l’autre et de découvrir une multitude de sujets qui autrement ne m’auraient jamais effleuré l’esprit !

Il y a trois ans, j’ai décidé de quitter cette maison d’édition, passée en mode déconfiture, de quitter la ville, de m’installer au sommet d’un col dans les Hautes Vosges, dans une grande ferme, bordée d’un ruisseau et face à la forêt, autour de laquelle gambadent aujourd’hui joyeusement poules et oies. J’ai créé ma petite agence de droits – je collabore avec différentes maisons d’édition françaises et étrangères, de grande qualité exclusivement (!), toujours dans le domaine du livre illustré, d’art et de photographie.

 

En quoi les livres font-ils partie de ton quotidien ?

Dans ma famille, nous travaillons dans l’univers de l’édition depuis trois générations. J’ai toujours été entourée de livres, de bibliothèques débordantes. Aujourd’hui, comme j’en ai fait mon métier, les livres sont indissociables de ma vie. Et ayant eu la chance de travailler sur de très beaux ouvrages, j’aime bien qu’ils continuent de m’accompagner dans toutes les pièces de la maison. Pour en rajouter encore, mon homme est photographe et comme beaucoup de photographes, il collectionne les livres de photo… Donc mieux vaut habiter un grand espace pour pouvoir ranger tous ces livres ! Enfin pour couronner le tout, j’ai un enfant qui adore lire avec sa maman – et fatalement, les ouvrages que nous lisons ont rapidement tendance à trainer dans tous les coins de la maison. Les livres sont donc partout autour de moi, et je ne peux imaginer qu’il en soit autrement.

 

Quel est ton premier souvenir de livre ?

C’est une question difficile mais celui qui me vient à l’esprit est Une fille nommée Julie Wood de Jean Graton, le créateur de Michel Vaillant, qu’un copain de mon père m’avait offert. Je devais avoir 7 ans environ. La bd raconte les déboires d’une belle blonde plantureuse ultra sexy, passionnée de moto, qui va se confronter au monde masculin et misogyne des compétitions d’Enduro dans les États-Unis des années 80 ! Je précise que je n’ai pas pour autant passé mon permis moto par la suite. Mais j’avoue avoir un faible pour les combinaisons en cuir !

 

Quels sont les trois livres dont tu ne te séparerais pour rien au monde ?

Question très difficile car mes livres me suivent d’appartements en maisons depuis de longues années maintenant. Ils ont tous un sens pour moi, sont associés à des souvenirs, des événements, des périodes de ma vie donc j’y suis très attachée et il y a énormément de livres dont j’aurais beaucoup de mal à me séparer. Mais parmi eux, si je devais vraiment en choisir trois, ceux qui me viennent en tête seraient Max et les Maximonstres de Maurice Sendak dans l’édition reliée d’origine – un véritable chef d’œuvre sur tous les plans, histoire, illustrations, mise en page, titre. Le Robert et Collins français-anglais qui me suit depuis mes études, que j’utilise quotidiennement et qui continue de me ravir quand j’y découvre de nouvelles expressions et autres subtilités de la langue anglaise. Et enfin le Recueil de la Cuisine Régionale Italienne qui rassemble presque 2000 recettes italiennes régionales traditionnelles dont j’ai été l’éditrice pour la version française et dont je dois avouer que je suis fière même s’il est bourré d’imperfections ! Et en cas de situation désespérée où je serais obligée de ne prendre avec moi que trois livres, celui-ci servira à cuisiner une bonne recette !

 

Quelle est la première chose que tu fais quand tu prends un livre en main ?

Je ne prends pas en main un roman comme un livre illustré. Par déformation professionnelle avec un livre illustré, je regarde qui est l’éditeur, les pages de remerciements… Je le retourne dans tous les sens, j’ai un regard critique sur sa couverture, son texte de plat 4, son dos, sa mise en page…

 

Livres papier / livres numériques : complémentaires ou contradictoires ?

J’avoue que je ne comprends pas le livre numérique et que je n’en lis pas. Pour moi un livre c’est un objet physique qui vous suit le temps d’une histoire puis qui est placé dans la bibliothèque et qui sert de référence, dont on sait qu’on peut compter sur lui en cas de besoin, qui parfois vous accompagne pendant toute une partie de votre vie. Bien sûr, on peut imaginer se constituer une bibliothèque sous forme numérique mais je suis toujours frappée lorsque je suis dans une maison où les gens n’ont pas de livres, combien ces maisons me semblent vides et sans personnalité. Cela dit, j’imagine volontiers que les acheteurs de livres numériques sont de grands lecteurs qui ont par ailleurs beaucoup de livres papier.

J’ajouterais que dans mon domaine, le livre numérique est par essence un « non-livre » puisqu’un livre d’art ou de photographie réussi est une œuvre en soi dont les attraits physiques sont essentiels et qui est souvent conçu pour constituer une référence et laisser une trace. La forme numérique ne donne ni cette garantie de durée ni le plaisir des sens qu’on retire à en tourner les pages, à admirer son contenu, puis à le ranger aux côtés d’autres livres qui nous ont procuré ce même plaisir.

 

Photo © Julien Félix