Autrice de Des artistes sur l'art, Holly Black est venue nous rendre visite pour parler d'art, bien entendu, mais aussi de changements et d'espoirs.
Bonjour Holly. Pouvez-vous s'il vous plaît vous présenter en quelques mots et nous parler de votre parcours ?
Je suis journaliste et rédactrice artistique, basée à Londres. Je suis la rédactrice en chef de Elephant, un magazine qui célèbre la créativité et la culture contemporaine par le prisme des arts visuels. Je supervise principalement le magazine papier semestriel, tout en écrivant et commandant des textes pour la version digitale. C'est un vrai défi de travailler sur deux plannings si différents.
J'ai d'abord étudié le design graphique au London College of Communication, avant de suivre un master en commissariat d'exposition au Chelsea College of Art. Une fois mes études terminées, j'ai pris conscience qu'un style d'écriture accessible, associé à une connaissance visuelle du design et du processus de publication, était un grand atout pour travailler dans des rédactions de magazines.
Qu'est-ce qui vous a décidée à écrire ce livre ?
En fait, j'ai été invitée par les éditeurs de Laurence King à l'écrire. J'ai saisi cette opportunité et j'ai tenté de faire le meilleur livre possible : accessible, informatif et, je l'espère, révélateur.
Comment avez-vous choisi les 50 artistes présentés ?
J'ai adopté une approche plutôt méthodique, en réalisant une très longue liste d'artistes qui ont repoussé les limites de leur pratique, et en allant à la recherche de leurs paroles pleines de sagesse. J'ai passé de très nombreuses heures à la bibliothèque du Victoria and Albert Museum. Je me suis principalement concentrée sur les artistes contemporains, avec quelques clins d'oeil à des figures historiques ou modernes.
Après mes recherches initiales, j'ai adopté un système à double entrée :
1/ à l'aide d'un tableur, j'ai pris en compte des facteurs tels que l'origine géographique, le genre et le médium artistique, afin d'espérer dresser une image globale de l'art en évitant les lacunes de connaissances et d'expériences ;
2/ j'ai réuni toutes les citations possibles et les ai observées sous l'angle de leur portée et de leur thème. C'était une sacrée entreprise !
Après cela, il m'est resté la lourde tâche de réduire la liste à 50 noms.
Comment décririez-vous le monde de l'art aujourd'hui ? Quelles en sont les contraintes ? Les espoirs ? Les évolutions ?
La pandémie a certainement eu un effet profond sur le monde de l'art. Le cycle sans fin des foires, expositions, biennales, etc. peut être très épuisant. Aussi, lorsque tout s'est arrêté, cela a laissé du temps pour la réflexion. Bien entendu, le fait de ne pas pouvoir concrètement voir de l'art était très difficile, mais cela nous permet de l'apprécier d'autant plus maintenant, et les gens semblent profiter des choses avec plus de lenteur. C'est quelque chose de positif à mes yeux.
L'art reflète profondément ce qu'est la société. C'est pourquoi des réflexions autour des questions de race, de genre, de représentation, de crise climatique, de dynamique du pouvoir... sont à juste titre des thèmes autour desquels beaucoup d'artistes travaillent. Ces dernières années, au Royaume-Uni (et je le pense aussi, dans beaucoup d'autres endroits du monde), une certaine austérité a repoussé les arts créatifs à la marge. J'espère que les gouvernements vont commencer à comprendre que les débouchés artistiques, l'engagement au sein d'une communauté et la créativité sont essentiels pour reconstruire l'économie et améliorer la vie de tout un chacun. Ce sont des domaines qui ont besoin de rééls investissements.
L'un des incroyables phénomènes digitaux qui se sont développés pendant la pandémie a été celui des collectes de fonds locales, souvent lancées sur les réseaux sociaux, où des artistes, des photographes et des designers ont fait don de leur travail pour soutenir des causes telles que les fonds de défense pour les manifestants, des aides pour faire face à la crise, etc. Les musées et les galeries sont également poussés à être de plus en plus responsables. On leur demande de remettre en question leur histoire, leur manière d'acquérir et d'exposer l'art, leur engagement et le soutien qu'il dispense à leurs équipes, aux artistes et à la communauté au sens large. Ces questionnements devraient, on peut l'espérer, nous conduire vers un avenir lumineux.