L'artiste Sylvie Meunier a mis sa passion et son talent au service de la création de notre jeu de memory Les deux font la paire. Elle nous en dit un peu plus...
Bonjour Sylvie. Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?
Je suis artiste-plasticienne, graphiste et scénographe d’exposition. Je vis entre la région parisienne et Sète, près de Montpellier.
Je mêle ces trois activités en parallèle, les unes se nourrissant des autres, le lien étant toujours l’image photographique. Depuis plusieurs années, je collecte des photographies vernaculaires, des images d’amateurs. C’est par l’appropriation de ces photographies anonymes que mon travail plastique se développe. L’image trouvée est pour moi matière à inventer, déclencheur d’histoires et de récits imaginaires. La mise en relation de ces photographies, issues de contextes divers, est au coeur de ma démarche, et les projets qui en sont issus prennent la forme d’installations, d’expositions, mais aussi objets édités, livres et jeux photographiques.
D’où te vient cet attrait pour la photographie anonyme ?
Août 2008, il y a une disparition, celle de mon grand-père, Albert. Je repars de son village avec une grande boîte à chaussures. Elle est remplie de vieilles photographies. Cela a constitué le point de départ. Cela m’a donné envie de réunir d’autres photographies de famille. Peut-être la curiosité de voir comment ça se passe ailleurs… dans les autres familles. Quelles photographies sont collées dans les albums ? Quelles sont celles qui se retrouvent dans les cadres sur la cheminée ?
J'ai commencé à chercher, à me promener… dans les brocantes, les greniers, sur Internet, chez les bouquinistes. J’ai été surprise de voir qu'il y en avait tant. Elles étaient là, en vrac, dans des sacs en plastiques, dans des boîtes, dans des albums, mélangées aux papiers d'identité, aux petits mots écrits. Le contenu d'un tiroir que l'on a vidé et qui est à vendre. C’était troublant de voir qu’il n’y avait personne pour avoir envie de conserver ces photographies, émouvant aussi. J’ai eu envie de les acheter et de là a commencé mon histoire avec la photographie anonyme.
Pourquoi as-tu eu envie de concevoir des jeux photographiques ?
L’envie de concevoir des jeux est venue presque naturellement. Il est arrivé un moment où il a fallu que je classe les photographies pour pouvoir les retrouver. J’ai commencé à les associer, à les regrouper, à constituer des « familles ». Mes premiers projets sont arrivés comme ça. Le premier jeu que j’ai imaginé a été un jeu des 7 familles.
J’ai trouvé également avec la création des jeux un moyen de partager ces images avec des personnes qui n’iraient pas forcément voir mes expositions. Les jeux de société, on y joue en famille avec les frères, les soeurs, les parents, les grands-parents. Souvent, les personnes me disent que les photographies leur rappellent des personnes de leur propre famille et que cela a été l’occasion d’évoquer leurs souvenirs de famille. C’est le pouvoir, un peu magique, de ces images anonymes, celui de nous ramener à notre propre histoire. Je crois que c’est cela qui me passionne tant.
Comment s’est déroulée la création de ce memory ?
J’ai une petite boîte dans laquelle je range les photomatons que j’ai glanées au fil de mes promenades. J’aime particulièrement les photomatons 4 poses, vous savez la fameuse bande photo avec 4 poses différentes. J’avais très envie de créer un mémory avec ces photographies. Et plutôt que d’avoir deux fois la même photographie, il me paraissait plus intéressant et amusant d’avoir la même personne avec deux poses différentes.
J’ai donc d’abord ouvert cette petite boîte, fait une sélection et puis j’ai cherché des photographies pour compléter le jeu. Pour qu’un jeu fonctionne, il faut une diversité de personnes, des enfants, des femmes, des hommes, des signes distinctifs pour faciliter le jeu. Il est important également que l’ensemble forme un tout cohérent, cela prend du temps. Il faut savoir aussi renoncer à certaines photographies. Et puis nous avons beaucoup échangé avec Christelle et Céline, mes éditrices.
Quels sont tes projets à venir ?
Je travaille en ce moment sur l’écriture d’un roman photographique, Mister K., bientôt à paraître aux éditions Xavier Barral. C’est la première fois que s’associent les photographies anonymes à l’écriture. Ce projet s’est construit dans la durée, au rythme de différentes étapes de recherches iconographiques et de résidences dédiées à l’écriture. Les photographies trouvées nourrissent le travail d’écriture et vice-versa.
Le récit de Mister K. va plonger son lecteur dans une atmosphère mi-polar, mi-auto-fiction. Il s’agit d’un road-movie photographique où le personnage part de chez lui un matin pour ne revenir que sept mois plus tard. Sept mois durant lesquels il traverse les États-Unis au volant de sa voiture. C'est à la fois un livre de photographies, un récit littéraire, une fiction cinématographique et une investigation psychologique.
Et puis nous sommes en train de préparer un nouveau jeu avec les éditions Pyramyd et cela me réjouit !
Portrait de Sylvie Meunier : Olivier Culmann/Tendance Floue - Œuvres de Vilma Pimenoff
Photos d'illustrations : Sylvie Meunier