Nous sommes ravies de recevoir aujourd'hui Tristan Manco, dont les ouvrages font partie des perles de notre catalogue. Alors que Dessiner / Peindre / Faire, son nouvel ouvrage, vient d'être traduit aux éditions Pyramyd, il nous en dit plus sur ce titre, son travail et ses coups de cœur artistiques.
Comment vous est venue l’idée d’écrire cet ouvrage ?
C’est mon rôle de professeur d’illustration au Plymouth College of Art qui m’a donné envie d’écrire ce livre. J’y enseigne à temps partiel et, là-bas, on encourage nos élèves à développer une approche visuelle originale et personnelle de leur travail. Que vous soyez étudiant ou artiste, « laisser son empreinte » est non seulement important, mais un principe directeur dans le monde des arts, car c’est à travers son œuvre qu’un artiste va toucher et marquer le public. Être artiste, c’est aussi avoir la passion de créer et de s’exprimer, de transmettre des messages, d’explorer et de stimuler de nouvelles idées. En s’inspirant de cette idée centrale Dessiner/ Peindre/ Faire explique comment un artiste peut se démarquer en tant qu’artiste, mais comment cela se traduit dans son processus de création, par le dessin, la peinture et diverses méthodes artisanales.
En d’autres termes, j’avais hâte d’écrire ce livre pour montrer combien la pratique de l’art contemporain devient de plus en plus large à travers les genres et les mouvements qui se développent et fusionnent. De nos jours, il n’est pas surprenant de voir des artistes de street art travailler en utilisant d’autres méthodes, telles que la céramique, la sculpture, l’animation. De même qu’un dessinateur de bande dessinée peut faire des fresques murales, ou carrément de la musique etc. Les artistes que nous présentons dans ce livre nourrissent leur art de nombreuses façons et adoptent différentes méthodes artistiques. Ils peuvent par exemple donner une nouvelle jeunesse aux méthodes traditionnelles, en dessinant et en peignant de façon innovante, mais également travailler sur plusieurs supports à la fois.
Certains de ces artistes ont un lien fort avec le street art et utilisent donc naturellement leurs œuvres diffusées publiquement pour entrer en contact avec les spectateurs, tandis que d’autres réalisent des sérigraphies, des tatouages, des BD ou des fanzines pour proposer leur art à un prix raisonnable. Les réseaux sociaux, dont les applications comme Instagram, créent un public nouveau et encouragent les artistes à expérimenter de plus en plus de chose. Cette communauté d’art indépendante et grandissante apporte son soutien aux différentes pratiques artistiques qui s’intègrent autant que possible à ces nouveaux réseaux de partage. L’utilisation des différentes plateformes, techniques et autres moyens de partage des œuvres avec le public fait désormais autant partie du processus de création que la réalisation de l’œuvre en elle-même.
Avec quel artiste avez-vous travaillé en premier pour écrire ce livre ?
Puisque que je souhaitais mettre en avant différentes approches artistiques personnelles, Dessiner/ Peindre/ Faire m’a donné l’occasion de mettre en valeur des artistes que j’admirais depuis longtemps, sans avoir trouvé jusque là le bon moyen de parler d’eux. Des artistes tels que Gustavo Ortiz, Joao Ruas, Raymond Lemstra ou Mark Francis Williams sont, depuis plusieurs années, parmi mes préférés. C’est pourquoi je suis fier d’avoir écrit un livre dans lequel leurs différentes approches artistiques peuvent coexister. Étant, depuis de nombreuses années, un admirateur et un défenseur du street art et des graffitis, il est naturel que mon livre en parle et me donne l’occasion de mettre en avant de grands artistes que j’apprécie tels Ernest Zacharevic, Franco Fasoli et Pastel, qui commencent à se faire remarquer dans le monde entier.
Donc pour répondre à la question de manière plus concise, le premier artiste avec lequel j’ai voulu travailler pour ce livre est l’espagnol Aryz. Pour je ne sais quelle raison, je n’avais pas réussi à inclure son travail dans mes livres précédents et je savais que ce serait génial pour les lecteurs de pouvoir admirer ses superbes carnets de croquis. Dès que l’éditeur a validé mon projet de livre, j’ai immédiatement pris contact avec Aryz et j’étais vraiment surexcité quand il a accepté d’y prendre part.
Combien de temps avez-vous travaillé sur ce livre ?
De l’idée du projet jusqu’à la validation du texte et de la mise en page, cela m’a pris une bonne année. Sachant que j’exerce à côté en tant que designer et enseignant, le travail fut principalement réalisé pendant mon temps libre, donc pendant la nuit ou très tôt le matin !
Si vous deviez choisir trois artistes pour résumer le livre, qui choisiriez-vous ?
Pour résumer le livre je choisirais d'abord 44Flavours, dont les membres sont originaires de Berlin, parce qu’ils sont probablement les artistes présentés dans ce livre qui incarnent au mieux la pluridisciplinarité. J’admire la façon dont ils multiplient leurs manières de travailler. Déjà, ils sont deux, donc lorsqu’ils créent il n’y a pas de problème d’ego, d’individu : ce qui compte c’est ce qu’ils créent ensemble. Par ailleurs, ils aiment collaborer avec d’autres artistes ou groupes d’artistes qui travaillent différemment, ce qui crée une superbe énergie. Enfin, ils travaillent pour beaucoup de secteurs différents, qui se complètent les uns les autres, allant de la publicité à l’enseignement : de l’art mural, des projets communautaires, des installations sculpturales, du design graphique mais aussi des beaux-arts.
Après avoir découvert l’exposition londonienne Animal de l’artiste italien Borondo, j’ai su qu’il était crucial que je parle de lui dans mon livre. Pas seulement parce qu’il utilise des techniques et des matériaux peu communs, comme par exemple le verre ou les bottes de foin, mais aussi pour son éthique et sa passion pour les thèmes abordés dans ses œuvres. Même s’il fait partie des artistes les plus difficiles à localiser en raison de ses engagements professionnels, cela valait le coup de faire quelques efforts supplémentaires pour pouvoir présenter son travail.
Si 44Flavours et Borondo sont les ambassadeurs de la pluridisciplinarité et de la passion artistique, de même que beaucoup d’autres artistes présentés dans mon livre, le troisième artiste que je choisirais est le Québécois Bonar. Il est l’exemple même que l’imagination humaine et la créativité n’ont pas de limites. Ce dessinateur extraordinaire crée des univers surréalistes incroyables à travers ses dessins et ses peintures complexes, et prouve que même l’outil le plus basique peut transporter le spectateur dans un autre monde.
Savez-vous déjà quel sera le sujet de votre prochain livre ?
Dessiner / Peindre / Faire est mon huitième livre et à chaque fois que j’en termine un, je dis à ma femme « Plus jamais ! ». Écrire des livres est un grand plaisir et un véritable privilège, mais c’est également un très gros engagement. Néanmoins, je suis intéressé par de nombreux sujets et en particulier par la manière dont l’art peut amener au changement social… Donc si « Plus jamais ! » signifie « Peut-être bien… », alors cela pourrait être le thème de mon prochain livre…